Le monde est indifférent à nos souffrance
Je pense souvent au double drame qui a frappé mon ami Pierre-Hugues Boisvenu. Il ne suffisait pas que sa fille Julie ait été enlevée et assassinée en 2002. En 2005, sa deuxième fille, Isabelle, a été tuée dans un accident de voiture.
J’ai rencontré Isabelle deux fois. Une fois pour souper chez Pierre à Sherbrooke. La deuxième fois, c’était à Montréal. C’était pour une fonction de défense des victimes, et de cette façon que seul Pierre peut gérer – vous savez, comment il vous fait sortir un samedi après-midi pour laver des voitures lors d’une collecte de fonds – il avait convaincu tout le monde de participer et d’aider. Isabelle et moi étions chargées de farcir les enveloppes. Nous avons été placés ensemble dans une salle de banquet vacante d’un hôtel – cela aurait pu être le Bonaventure – et on nous a dit de ne pas sortir tant que le travail n’était pas terminé. Nous étions donc là, chargés de cette tâche subalterne pendant deux heures. Nous deux et bavardage. J’ai beaucoup aimé Isabelle. Elle était intelligente et drôle.
Mon père m’a averti de ne jamais être trop à l’aise avec la vie. Au début de 1978, il roulait haut. Il a été promu à la gestion de l’un des projets d’ingénierie les plus sophistiqués au pays – la construction de la centrale nucléaire de Point Lepreau, au Nouveau-Brunswick. Il a pu acheter à ma mère la maison de ses rêves, une beauté victorienne qui appartenait autrefois à un vieux capitaine. Il avait un compte de dépenses somptueux, il y avait des dîners somptueux dans des restaurants chics tous les week-ends. Puis, à l’automne 1978, il a été assommé lorsque son aîné a disparu. Il n’a plus jamais été le même. Le seul conseil qu’il m’ait jamais donné a été emprunté à Sinatra : “La vie n’est qu’une série de déboires, you pick yourself up and get back in the race.”
La ‘double-tap’ de la tragédie a frappé un autre ami cette semaine. Je ne parle pas souvent de Marcel Bolduc, surtout parce que je n’ai jamais été sûr de la leçon de son histoire. Les Bolducs étaient aussi de Sherbrooke. En 1996, sa fille Isabelle est kidnappée et assassinée par un récidiviste. Marcel s’est donné pour mission de veiller à ce que l’homme ne soit jamais libéré sur parole. Avec Pierre Boievenu, Marcel a cofondé l’Association des familles de personnes assassinées ou disparues (AFPAD).

Croyez-le ou non, les meurtres sont rares dans les Cantons-de-l’Est. Les meurtres sexuels à la fin des années 90 et au début des années 2000 étaient encore plus rares. Tout le monde connaît les horribles drames subis par ces deux pères et leurs familles. Je connais Marcel par hasard. Nous nous sommes peut-être rencontrés une fois lors d’une assemblée générale, mais nous communiquons principalement via Facebook. Il est bon pour une blague, et ça m’aide à pratiquer mon français. Marcel aime Pink Floyd et il a une haine écumeuse pour l’actuel premier ministre du Canada, Justin Trudeau.
Cette semaine, à la veille d’une énième audience de libération conditionnelle pour le meurtrier d’Isabelle, Marcel a perdu sa deuxième fille, Julie. Elle est décédée à 43 ans d’un anévrisme cérébral. Julie Bolduc avait été impliquée dans la lutte contre les agressions sexuelles. Entre autres, elle a participé à des activités de financement pour le Centre d’aide et de lutte contre les agressions sexuelles (CALACS). Elle et Marcel se préparaient ensemble pour l’audience de libération conditionnelle, comme ils le faisaient toujours. Marcel Blanchette a soumis une demande de congé accompagné. Il a depuis retiré sa demande.
Marcel et Pierre étaient déjà joints à la hanche dans la tragédie. La cruelle symétrie des noms de leurs filles ne fait qu’aggraver cette piqûre.
Je ne sais toujours pas quelle est la leçon ici. Le monde est indifférent à nos souffrances.
Mes sincères condoléances à M. Pierre-Hugues Boisvenu et à M. Marcel Bolduc et à tous ceux qui ont perdu un être cher.
La souffrance que vous vivez tous à cause de ces événements horribles et de ces injustices est entendue et ressentie même de l’autre côté de l’océan, même le monde entier est au courant sauf le gouvernement canadien, les forces de l’ordre du Québec.
Le gouvernement canadien et le système judiciaire font la sourde oreille et souffrent d’amnésie.
Je sais une chose : si le système judiciaire canadien était fonctionnel, il n’y aurait AUCUN BESOIN pour l’Association des familles de personnes assassinées ou disparues (AFPAD) ou le “Meurtres et Disparitions Irrésolus du Québec” (MDIQ) ou “Qui a tué Theresa ?” (“Who Killed Theresa?”)… etc…